Séminaire en 10 séances sous la direction d’Emmanuel Alloa et de Sara Guindani, en collaboration avec le département d’Arts Plastiques de l’Université Paris 8. A l’Auditorium du Jeu de Paume, d’octobre 2012 à octobre 2013
Dans La Chambre Claire, Roland Barthes affirmait que le « noème » de la photographie, c’est son « ça a été », autrement dit le fait que la plaque photosensible garde la trace ineffaçable d’un événement. De façon analogue, on pourrait dire que le « noème » du témoin, c’est son « avoir été là », autrement dit le fait que le témoin fut présent au moment fatidique. Et pourtant, le témoin ne deviendra réellement témoin qu’à rebours, une fois qu’il se porte témoin d’une expérience irrémédiablement passée et qu’il redonne voix à ce qui n’est plus par l’après-coup de son témoignage. Face à la violence extrême qui marque le XXe siècle, qu’est-ce que cela signifie que de penser les images qui, tant de fois, enregistrèrent les actes de barbarie, non pas tant comme des documentations de faits objectifs, mais comme des réarticulations testimoniales qui ne se limitent pas à répéter le passé mais qui le produisent tout autant, de façon performative ?
Façon de repenser la question de la limite du représentable, face au génocide. Tout génocide se caractérise par le déni de son caractère génocidaire : à l’anéantissement total s’ajoute l’anéantissement total des traces de l’anéantissement. Le séminaire affrontera la question de l’irreprésentable à travers ce que nous nommerons « l’éthique testimoniale » : à l’instar du témoin, l’image ne pourra jamais restituer la totalité des faits et ce qu’elle montre ne démontrera jamais rien. Dans sa partialité et son imperfection constitutive, elle conteste malgré tout la logique totalitaire qui peut prendre deux visages : la surexposition pornographique du tout-visible d’un côté et l’interdit théologique de toute visibilité de l’autre.
Complément d’information :
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