Conférence « Le temps de l’image et le temps du trauma. Après-coup et postmémoire », avec Richard Rechtman, Soko Phay-Vakalis et Davy Chou à partir de son film Le Sommeil d’or dans le cadre du séminaire « L’Image témoin : l’après-coup du réel », sous la direction d’Emmanuel Alloa et de Sara Guindani, en collaboration avec le département d’Arts Plastiques de l’Université Paris 8.
La violence d’un événement ne se mesure souvent qu’aux traces qu’il laisse, une fois passé. Et ces traces peuvent persister longtemps. Le concept de “postmémoire”, développé par la théoricienne américaine Marianne Hirsch, concerne les effets traumatiques du génocide, non pas sur les victimes directes, mais sur les générations suivantes. Dans quelle mesure peut-on comparer les résurgences, toujours différées, de la mémoire, à l’effet d’une image qui demeure et persiste, de façon lancinante, même quand ce qu’elle montre a déjà disparu ? L’après-coup de la mémoire ressemblerait-t-il donc en quelque sorte à l’effet de persistance rétinienne qui décrit le fait que l’œil conserve en mémoire des images passées qui viennent s’immiscer dans ce l’on voit au présent ? Comment se manifestent les séquelles d’un traumatisme, et comment viennent-elles hanter la vie des survivants ? Comment se transmettent-elles, involontairement, même aux générations suivantes qui n’ont pas vécu directement les faits ?
Il s’agit d’approcher ces questions depuis deux angles d’approche différents : depuis la perspective clinique et depuis la perspective esthétique. De quelle façon les images latentes continuent-elles de hanter involontairement les survivants ? Et quelles images les générations suivantes se choisissent-elles, quand les images font défaut ? On analysera en particulier le cas de Davy Chou, petit-fils de l’un des principaux producteurs de cinéma au Cambodge dans les années 60 et 70, Van Chann. Dans son film, Le Sommeil d’or” (2012), Davy Chou entreprend une véritable archéologie mémorielle, pour essayer de reconstituer l’immense héritage cinématographique détruit en quasi-intégralité par les khmers rouges en 1975, et qui ne survit que dans le souvenir des témoins.