Les violences génocidaires au Guatemala. Une histoire en perspective, Paris, L’Harmattan, 2012, dirigé par Sébastien Jahan.
Au Guatemala, les fantômes du passé n’ont toujours pas été exorcisés. Le spectre d’un retour de l’armée au cœur de l’appareil d’État se profile, en effet, avec la victoire du général en retraite Otto Pérez Molina aux élections présidentielles de novembre 2011. Le candidat de la droite conservatrice, responsable des Renseignements militaires au début des années 1980, s’est rendu populaire grâce à son slogan, « la mano dura », « une poigne de fer » pour rétablir l’ordre dans un pays où plus de 6 000 personnes sont assassinées chaque année. Ce livre permet de questionner l’origine de cette violence structurelle contemporaine, la guerre contre-insurrectionnelle qui ensanglanta le pays de 1960 à 1996 et culmina entre 1980 et 1983 en massacres de masse frappant la population maya. Les victimes – probablement 200 000 morts, sans compter les déplacés, les blessés, les personnes traumatisées à vie – n’ont jamais bénéficié d’une quelconque reconnaissance officielle de la part de l’État guatémaltèque, et la plupart de leurs bourreaux n’ont jamais été jugés. Sans justice et sans mémoire, les Guatémaltèques n’ont toujours pas la possibilité de tourner la page de cette sinistre période malgré le retour officiel de la paix et de la démocratie. Des forces toujours à l’oeuvre, qui entretiennent une insécurité et une terreur quotidiennes, permettent de faire oublier la pauvreté et l’exploitation de la masse paysanne indienne ou métisse.
Les contributions rassemblées ici croisent les regards de chercheurs, de militants et d’acteurs de terrain sur ce petit pays méconnu d’Amérique centrale. Elles décrivent et analysent avec justesse et profondeur les stigmates de son histoire douloureuse, tout en mettant en lumière les ressources dont le Guatemala dispose pour sortir de l’impasse. Un ouvrage important pour saisir ce qui se joue actuellement au Guatemala.
Sébastien Jahan (dir.) est maître de conférences en histoire moderne à l’Université de Poitiers et membre du laboratoire Criham. Depuis plusieurs années, il s’intéresse à la mémoire de la colonisation et des violences de masse. Il est notamment coauteur (avec Alain Ruscio) de Histoire de la colonisation, Réhabilitations, Falsifications, Instrumentalisation (les Indes savantes, 2007).
Pour cet ouvrage sur le Guatemala, il a sollicité les contributions de Patrick Bard, Fernando Bermúdez, Bernard Doray, Concepción Doray-Delagarza, Bernard Duterme, José Morales, Céline Soun et Sophie Thonon-Wesfreid.
Sommaire
Sébastien Jahan. Introduction
Sophie Thonon-Weisfred. Présentation historique et juridique du concept de génocide
Sébastien Jahan. Aux sources du génocide guatémaltèque : la conquête coloniale et la “révolution” libérale
José Morales. Le génocide continué ? Violences, justice et réparations dans le Guatemala contemporain
Patrick Bard. Un écosystème du mal : le fémicide au Guatemala
Fernando Bermúdez. La théologie de la libération vue du Guatemala. Regard d’un missionnaire et théologien
Bernard Doray, Concepción Doray. Les traumatismes du conflit armé au Guatemala. Génocide culturel et recréation du symbolique
Céline Soun. Rencontres de jeunes. Un rôle à jouer dans la construction de la paix au Guatemala ?
Bernard Duterme. Si la Bolivie a pu, pourquoi pas le Guatemala ? Gauches sociales et politiques dans deux pays à majorité indigène