Conférence « Julieta Hanono ou la mesure de l’exil et de la désolation » par Soko Phay, le 14 mars 2014, dans le cadre du colloque « Figurer l’exil », sous la direction d’Alexis Nusolevici, Alexandra Galitzine et Sara Guindani.
Résumé :
Tout départ vers l’autre est un voyage vers un autre soi. Julieta Hanono a dû quitter l’Argentine où, sous la dictature militaire, elle fut enlevée et portée « disparue » dans un lieu secret, de novembre 1977 à décembre 1979. C’est lors d’un retour à Rosario, en 2004, en particulier au centre de détention et de torture, qu’elle s’est confrontée à son passé. A partir de cette épreuve extrême elle a tiré un film El poso (le trou) et continué un travail artistique qui questionne l’exil et la mémoire. Cet entre-deux renvoie à la « désolation », dans son sens étymologique latin, évoquée par Hannah Arendt : la désolation est la solitude des hommes que le système totalitaire déracine, « prive de sol » physiquement et psychiquement. Dans cette perspective, il s’agira d’étudier l’œuvre de Julieta Hanono, qui entrelace l’art, le politique et l’Histoire. Ses déplacements formels soulignent combien les décentrements sont autant matériels, physiques et géographiques que mémoriels. Figurer l’exil, c’est interroger le deuil de l’origine, la part fantomale des récits et des secrets non résolus, mais également les enjeux esthétiques du déplacement comme autant de pratiques dans lesquelles un corps, une pensée, un langage se trouvent en mouvement.